domingo, 14 de diciembre de 2008

Quand je mourrai

À Ramón González Sánchez

Quand je mourrai, laissez-moi au bord du chemin.

Abandonnez-moi aux fleurs, au musc et au jasmin,
que la terre imprègne sur moi son odeur
que les arbres fassent un toit, les oiseaux un chœur ;
chantent les montagnes, retentissent les vallées,
aujourd’hui je meurs ! Viens ruisseau, viens m’embrasser !
Et vous, pierres du sentier qui dans la lune
vous reconnaissez, écrivez sur la dune
que je m’oppose, que je m’esquive au trépas,
pour que d’en haut Il voie que je ne monte pas ;
que je reste ici, mort mais accroché à la terre,
que je reste avec la faux pour éviter le cimeterre.
Ensevelissez-moi, brindilles et poussière,
que votre sève coule sur ma misère
et que du balcon du ciel m’observent les anges
et fassent pleuvoir une pluie de mésanges.
Le vent m’emportera, et l’oubli et le temps
qui sont comme des remèdes pour les vivants.
Comme avant de naître on ne connait pas encore,
mort, on m’aura oublié avant l’aurore.
Mais de grâce ne m’enfermez pas pour toujours
entre des planches d’où je ne pourrai voir le jour ;
ne mettez pas votre tristesse en prison
car c’est du cœur le pire de tous les poisons
de mettre en bière ce que le ciel vit naître
et de cacher à l’homme ce qui cesse d’être.
Vous qui aujourd’hui n’êtes plus libres de m’aimer
donnez-moi ce petit morceau de liberté
de n’être point par le rituel social
mis dans un lit de bois comme dans un bocal.
Je sais, les vivants décident et ce qui est doit être
mais j’aimerais tellement reposer sous un hêtre
plutôt que de pourrir entre quatre planches,
comme un souvenir froid dans un cœur étanche.
La vie n’est qu’un délai entre deux portes
l’une ouvre l’œil, l’autre brise de sa main forte
la clepsydre qui, entre deux ouvertures,
nous livre au monde, aux sens, à la nature.

Dimanche 30 novembre 2008, à 04.00h

domingo, 23 de noviembre de 2008

Au fond des océans


Il semble, après Thésée, Astyage, Alexandre
Que l’homme trop grandi ne peut plus que descendre…

La légende des siècle, XII, v. 277-278.
Victor Hugo

Prologue :

Au fond des océans j’aimerais parfois
m’asseoir un instant et écouter les mots
que chantent dans le silence des eaux
le poisson-poète et le requin-roi…

En grand silence chacun fait de sa rime
et de ses vers, armes, armure et fanal ;
mais si le roi exulte le glorieux labeur
de ses vassaux bien-aimés, c’est le rival
que dénonce pour ses frères le poète !
Et leurs chants à l’heure du duel fatal
S’affronteront dans les abîmes profonds…
Ah ! Les rimes aiguisées de l’hérésiarque
chasseront-elles les mensonges du monarque ?


I
Cependant, l’événement fait tout l’intérêt
des Mécènes qui, au contraire des Muses
qui donnent la vie aux sensuelles images
poétiques gratuitement, eux abusent
afin de découvrir qui sera le vainqueur,
qui l’objet innocent de leurs ruses,
qui le défenseur de leurs richesses.

Chacun au fond de son trou, les poètes
par d’étranges poissons, aux accents étranges
sont visités. – « Et quoi, disaient-ils, avoue donc
que ce n’est pas grâce à toi que le peuple mange,
que prétends-tu obtenir en combattant ?
Ce n’est jamais dans l’art mais bien dans la fange
que l’on fait les troupeaux et remplit les granges. »
Le poète sourit et regarda les trois hommes, comme absent,
puis il baissa à nouveau son regard vers sa page en les oubliant.

« Tu sais pourtant bien, reprirent-ils, que la vie,
la paix, ne dépendent pas de jolies rimes
mais de la poigne de fer et des doigts d’argent
qui tour à tour, des bas-fonds jusqu’à la cime
distribue l’or ou le retire ; et enfin dit
qui va au paradis et qui à l’abîme !
qui est subversif, qui artiste sublime !
Et le poète souriant toujours rétorqua que c’est en effet à l’abîme
que vont les philosophies trop riches en maximes !

« Allons, regarde-nous, nous qui nourrissons
les grandes entreprises par de sonnantes
et trébuchantes énergies, fais comme nous
et laisse la poésie contre une décente
activité. N’agite pas le peuple, fou !
il te suivrait ! Car une haine latente,
cruelle et lente nous tuerait tous, toi et nous. »
Le poète ainsi tenté par le troupeau de le suivre
devint songeur et ouvrit un livre.

« Le temps nous tuera de toutes façons, dit-il.
Et si je fais ce que de moi vous désirez
alors, je cesse d’être seul, vrai, unique
et me divise, devenant toujours plus laid
toujours moins fort, toujours moins vrai ;
et je geindrais encore en m’éteignant, soufflé
par le vent de la vanité et de la honte. »

Et les banquiers de l’art se mirent à rire.
« Tout ce que tu veux ! Avant qu’elle soit finie
on ne dit pas si la guerre est respectable :
un vrai poète ou une fausse prophétie
nous sont égal : l’or n’a pas d’idéologie !
Nous t’aiderons donc ; soutien, refuge ou ami,
nous serons tes écuyers dans la bataille. »
Et le poète trop absorbé à aiguiser ses mots
ne s’attarda pas à les traiter de sots.

Puis, nageant en hâte jusque chez l’ennemi,
ils lui tinrent ce discours de richesses affamé :
« Ô bon roi ! La subversion est à ta porte !
Prends garde, ne te laisse pas déshonorer !
Après tant de concessions et de mensonges
il nous serait si douloureux de reculer !
Prends donc les armes et réduits ce prince maudit. »
Le roi, sceptre en main et plume à l’oreille, comme un boucher,
tuait les mouches et riait, riait, riait.

« Ah bon roi ! Qu’il est doux ce rire moqueur.
Il est tant de droits que nous te devons, tant de lois
auxquelles nous croyons comme à des versets divins,
qu’en te perdant toi nous perdrions notre foi.
Quelle souffrance ce serait, de devoir être honnêtes !
Nous irons du coté où le fléau, narquois
augure, s’incline, et où va ton royal pas. »
Sa majesté, flattée, encouragée par ce pompeux discours
fit appeler le bourreau et lui ordonna de préparer la tour.

« Voici donc que nous les tenons, la gloire est là :
nos droit sont sauvés par un roi victorieux ;
le poète vainqueur, le peuple nous fait rois.
L’issue nous est indifférente car au milieu
du bruit et de la fureur nous gagnerons
quoi qu’il en soit. Bénie soit-elle, l’oeuvre de Dieu
qui fait les morts, les gloires... et les bénéfices ! »
Or donc, tous se frottaient les mains : le roi pensant à sa proie,
les Mécènes d’avoir déjà gagné et le poète de froid.

Ainsi, lorsque de sa courbe divinement
belle, atteignit son zénith le divin soleil,
en horde accourut la plèbe aux portes
du palais, pour déguster de l’oreille
le chant mielleux et envoûtant du monarque,
et l’aubade guerrière à nulle pareille
du bon poète affamé de justice!
Wilde le sait, la haine n’a jamais donné raison aux Pétrarques ;
l’histoire, cependant, n’est pas toujours du coté du monarque.


II
« Peuple de l’eau, âme de tous les océans !
Combien de temps faudra-t-il donc attendre
pour te voir te lever contre ce tyran,
et réduire sa sale gloire à la cendre ?
Ne vois-tu pas qu’il s’agite, qu’il fait du vent
pour troubler nos yeux, à sa cause nous rendre,
alors que c’est une mort certaine, assurée,
que partout dans le monde, avide, il sème.
Celui qui veut la guerre, ce privilégié,
devra la subir d’abord ; celui qui aime
la souffrance, qu’il se torde le premier
aux douleurs du pilier de l’anathème ;
que celui qui tue, sur le champ d’abord soit tué.
Mais des cœurs meurtris il se fait un diadème,
comme Diane est embellie des corps massacrés;
comme la terre boit le sang, ses yeux blêmes
observent, frénétiques, brûler le brasier.
Peuple : n’abandonne pas ce que tu aimes,
ne laisse pas impuni cet assassin d’enfants,
et du Phénix charognard, souffle les cendres !
Car il se fait petit, se rabaisse à ton rang,
mais pendant que d’une main il est tendre
de l’autre il fait couler – ô peuple !- ton sang !
Peuple : tue-le ou cesse de m’entendre ! »


III
« Frères des océans, citoyens, amis !
De quoi manquez-vous ? Est-ce que vous êtes
Si mal traités, pour accepter qu’aujourd’hui
Menace mon règne le poisson-poète !
N’avez-vous pas travail, paix et douces nuits ?
Le travail est dur, mais la récompense est honnête.
La guerre, sereine fossoyeuse, vous atterre ?
Mais c’est l’honneur de votre fière existence
qu’elle défend aujourd’hui par toute la terre
et elle est plus vraie que toutes les stances :
elle est un hymne à la mémoire de vos pères
elle est l’orgueil parce qu’elle est la résistance,
elle est fière, grande, belle et nécessaire !
Amis, un beau mot n’est que feinte élégance,
Un soupir, une larme, un songe, une prière.
C’est inutile, vain, c’est l’outrecuidance,
de discréditer l’entreprise guerrière
qui cache en son noble sein l’espérance !
Allons ! Citoyens, décidons dès aujourd’hui.
Le combat est ardu mais la coupe est prête,
nous vaincrons ensemble, heureux, fiers et unis.
Si c’est un mauvais rêve que vous faites,
Laissez-moi bannir de vos songes maudits
La mauvaise graine, le trouble fête ! »


Épilogue :

C’est aux peuples qu’appartient la décision
de n’être dans l’histoire qu’un hasard du temps
ou de prendre le risque de ses convictions ;
craindre le roi ou affronter le Léviathan !
Après quoi, il n’y a plus rien à dire :
dans l’air, sur terre ou au plus ténébreux des eaux
ne seront à jamais chantées que deux lires :
l’une chante pour l’amour, l’autre chante faux !

miércoles, 19 de noviembre de 2008

Enfin...


I
Enfin, les hommes de la Terre au banquet du ciel,
depuis longtemps conviés à venir goûter,
sous l’astre fier, les parfums de l’aube et du miel,
vinrent peu à peu, l’œil serein, brillant, s’attabler.

Souriants, majestueux, surpris, le verbe fébrile,
ayant au cœur un volcan et l’esprit enflammé,
et Babel vaincue, ils burent l’éternité,
parlant une langue qui en était mille.

Heureux les humbles, ils auront la parole en premier.
Dans les lueurs pâles du jour nouveau, bénie
sois-tu, vérité !, qui ne fus pas marchandée.

Bénie sois-tu nouvelle société de génie,
qui abrite en ton sein frais la grandeur rêvée,
la vrai force humaine jusqu’alors ignorée.


II
Le fruit des pensées s’appelle la parole ;
et le fruit des paroles doit être l’action.
Il n’est d’être pensant que l’on ne console
en lui agitant au nez Progrès, Libération !

Tout être ayant, occulte ou illuminé,
l’idéal de son propre temps sur la terre
se trouve à la fois enthousiaste et horrifié :
l’avenir est un sens où le cœur désespère ;

La destinée, qu’un bref instant j’entrevis
se tait, se terre et désire que je l’oublie ;
mais ses traits comme le sein d’une mère

en moi sont à jamais gravés, enfouis.
Pour toujours il y aura en mon cœur deux misères :
la vie possible et l’impossible de la vie !


III
Or, étant à ce système insondable aliéné,
je ne puis jamais dire qui du passionnel
ou de l’idéal est vénérable et aimé
par Dieu ; qui suis-je et qui est l’universel ?

Amers ces songes de vie, ces poèmes
que simultanément créent et oublient
le cœur et l’esprit, ces pages mentales
qui jamais ne seront écrites.
Amers ces cris impétueux de l’âme
qui enflamment les sangs et mêlent
au désir du bien, la patience des sages,
la force des bêtes, mais qui pourtant
meurent dans l’étouffement d’un sanglot.

Amères paroles et amers visages
qui dans une tache d’ombre se révèlent ;
amers visages, visages d’ombre
que le vieux cœur encore et encore appelle.

Au pied du réverbère, la lumière trempée
suinte doucement sur le pavé.
C’est le sourire d’une âme en peine,
l’espoir d’une humanité décimée.
Et sur elle, les pas des hommes inconscients
dessinent d’étranges formes luisantes
au fil des minutes changeantes
au fil des siècles parfaitement égales.
2005

martes, 18 de noviembre de 2008

Poema de sordo oído

No entiendo lo que me dices,
tus palabras cual viento
atrapado en los árboles
a mi corazón no llegan.

El sonido de tu pensamiento
inunde el mundo entero
pero en mi jardín secreto
no vibra de mi corazón el oído.

La nota cristalina de tu etérea lira
muere envenenada en la melodía
del laúd triste de las estrellas
y se va con la partitura del universo.

¡No te oigo! ¡Más alto! Por favor,
¡Grita! me costaría tanto dolor
verte pasar esbelta y feliz
y no oír lo que dibuja tu boca.

Paroles

Parole. Mot divin, artiste, historique.
Parole. Esprit de l'homme aux hommes avoués, à l'univers déclaré.
Parole. Profonde ou légère, parole qui console, parole qui accuse.
Parole. Désignation du monde, interprétation de la nature.
Parole de parole, parole d'idée.
Parole de pensée. Parole d'acte et acte de parole.

Les mots ne sont que des mots, on leur préfère les pensées.
Les mots ne sont que des mots, on leur préfère les idées.
Les mots ne sont que des mots, on leur préfère les silences.
Les mots ne sont que des mots, mais sans eux pourtant, l'homme ne saurait dire "nous".

lunes, 17 de noviembre de 2008

Moments...


C’est un drôle de pays que novembre.
Il est gris et souvent il est froid.

C’est un drôle de pays sans souvenir,
une contrée de jaunes criards
et d’oranges pastels.

Et puis, en novembre, tout gèle :
l’amour, l’espoir, l’avenir.
Tout gèle et se cache sous les vestes
et les gros pantalons de velours côtelés.

En novembre les batailles semblent être gagnées.
Les amours conquis ; et l’avenir est un présent fiévreux.
Novembre est un pays sans hier et sans demain,
sans ciel, sans terre, sans rire et sans vin.

En novembre il n’y a pas non plus
de tristesse, de doute ni d’amertume.
Novembre est ainsi : fier, discret, absolu.

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La particularité de la passion, de quelque matière qu’elle soit, quelque objet qu’elle contemple, est de devoir mourir.
Pourtant, et c’est là toute sa force, l’homme est incapable de voir en elle de limite. Lorsqu’elle le prend, il semble toujours que c’est pour toujours. Des limites, elle en a cependant, la première étant le sentiment. Le sentiment est une frontière de la passion ; sa mort en vérité. Le sentiment est ce qui borne la passion, ce qui la démystifie. Malgré cela, il ne faudrait pas croire qu’une passion sans sentiment est une passion sans borne, infinie. La passion plonge lugubrement vers l’absolu, elle bascule inéluctablement dans l’intangible, dans l’idée, qui la rend vulgaire, la freine et pour finir la détruit.

Passionne-toi aujourd’hui à perdre le sens,
évanouis-toi dans l’évanouissement des mots.
Sentir plutôt que croire,
enrager plutôt qu’aimer.
Dans les pétales d’une rose rouge
dans le parfum de la beauté,
dans le souvenir d’un parfum,
dans le vent qui emporte le souvenir,
vagabonde au cœur de tes sens,
garde tes sens loin du cœur.

Donne à ta peau les nourritures du monde
et prive ton esprit de sa réalité.

Observe dans le miroir de tes propres vertus
la vertu lente et noire qui meurt,
sauve qui tu es en étant ce que tu sens.
Il n’est de vertu qui meure,
il est des phénix qui s’envolent les pieds grisonnants...

Toute mort est un avenir ;
sois patient, aime, n’aies point de doute
car il viendra ton temps
d’être l’histoire de demain.

Le temps n’existe pas. L’homme ne vit qu’aujourd’hui amer d’hier et affamé de demain.


Novembre 2008

sábado, 20 de septiembre de 2008

Sensation d'automne

L’autre matin quand je suis sorti, dans la rue il faisait frais. J’ai fait quelques pas et puis, je ne sais pas, il y a eu une odeur, un bruit, une couleur peut-être. Alors je me suis vu allant à l’école, tout jeune. Les images ont défilé quelques minutes pendant qu’un pas que je ne mesurais pas m’emmenait vers le métro et vers la soudaineté de mes vingt-six ans. Quand je suis arrivé au travail, j'ai du l'écrire...


Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée...
J. Prévert

L’arbre a éternué
une feuille est tombée.
C’est l’automne
avec son bruit d’été craquelé.

Le ciel s’est assombri,
une larme de nuage a coulé.
Nul ne s’étonne
c’est l’automne
avec son odeur d’été tout usé.

Le vent a remplacé la brise molle.
Dans un grincement les portes se sont fermées.
Car sur son trône
sans que nul ne s’étonne
c’est l’automne
qui vient siéger.

Une tourterelle a gloussé
puis sous son aile s’est réfugiée.
Le feu dans l’âtre ronronne
pendant que sur son trône
bien que nul ne s’en étonne
monte soudain l’automne
avec un goût de pluie avarié.

La terre s’est durcie,
les champs ce matin ont gelé.
Le mistral court sur le Rhône
le feu dans l’âtre résonne
alors que sur son trône
saute d’un coup l’automne
et nul ne semble s’en étonner.

C’est l’automne et nous aimons le regarder
avec nos envies d’automne,
avec nos lubies d’automne,
avec nos souvenirs d’automne
auxquels ont rêve quand on sifflote
auxquels on pense quand on aime.
C’est l’automne et nous le chérissons
comme nous chérissons les solstices :
dans l’amour du temps qui passe
dans la haine du temps qui ne revient pas.
Car il n’y aura jamais d’automne si grand
qu’il semble qu’il n’y ait pas eu d’été.

20/09/2008

Les valeurs

Essayons d’expliquer ici une constatation, quelque peu amère, formulée par de nombreuses personnes autour de nous. « Il n’y a plus de valeur aujourd’hui. » L’ayant recueillie ainsi nous ne modifierons pas cet énoncé dans sa formulation, ni ne le nuancerons car cela reviendrait à le faire nôtre, ce qui n’est pas le cas (pas tout à fait, du moins). Tout d’abord il nous faut dépasser ce malheureux adverbe si traditionnel chez les hommes qui se sentent vieillir et croient vieillir seul. Il fait mauvaise impression, une impression réactionnaire. Ici, il ne l’est pourtant pas. Pour notre part nous nous efforcerons de voir en lui une certaine transcendance qu’au demeurant il contient aussi. Aujourd’hui. Certes, il faudrait s’interroger sur les rapports de cet « aujourd’hui » par rapport à un nécessaire « hier. » Ce qui nous amènerait à commencer par savoir de quel « hier » et de quel « aujourd’hui » nous parlons. Mais laissons là une matière qui certainement nous mènerait trop loin et serait de toutes façons absurde car dans l’ « aujourd’hui » qui nous occupe il n’y a guère d’autre à voir que beaucoup d’exaspération et bien peu de raisonnement, chose par ailleurs fort compréhensible.

Qu’est-ce qu’une valeur ?
Attachons-nous donc au cœur du problème. Qu’est-ce qu’une valeur ? Essayons-nous à lui donner une définition. Une valeur est une position de l’esprit en même temps qu’une action individuelle inconditionnellement orientées vers le bien de l’humanité et qui rassemblent les hommes de bien, les unissant dans la poursuite de leur but commun qui est le bonheur de tous. Peut-être manquerait-il quelque aspect à cette définition mais nous ne pensons pas que l’on puisse lui ôter aucune des propositions susdites. Que le lecteur accepte le temps de ces quelques lignes de donner aux valeurs, que peut-être nous n’avons pas tout à fait perdues, le sens que nous voulons raisonnablement lui donner ici. Observons donc, partant de ce constat, quelques points avant d’expliquer le fond substantiellement historique de la phrase initiale. Tout d’abord, il ne faut pas confondre valeur et vertu, ou pire valeur et morale. L’homme de bien doit effectivement être vertueux, mais être vertueux c’est une façon de prendre certaines valeurs pour lois personnelles et de les mettre au cœur de nos actes ; en ce sens le contraire de la vertu n’est autre que la mauvaise foi. La vertu mesure le degré de fidélité qu’un homme peut avoir envers les valeurs qu’il a fait siennes. La valeur n’est pas non plus une morale mais on pourrait penser que celle-là provient de celle-ci. Or, avoir des valeurs reviendrait alors à avoir au préalable une morale. L’ennui en établissant un tel lien logique entre morale et valeurs, c’est qu’alors nous enfermons le simple geste fraternel, le simple élan de bonté dans une structure morale du comportement, chose possible mais pas systématique car ces actes naissent aussi de la révolte qui n’est pas une morale en soi. Mais avant tout elles naissent de la philosophie. Une vraie philosophie doit être considérée comme une façon de penser l’homme débouchant sur un système de valeur visant à expliquer et améliorer la condition humaine. Seule la philosophie, objective, allant de l’homme vers l’univers et de l’univers vers l’homme, est en mesure de fournir sinon les valeurs nécessaires au bien des hommes, au moins une certaine quantité de règles comportementales. Mais ce qui fait de la philosophie la solution la plus viable et surtout la plus honnête afin de comprendre mieux le monde où l’on vit, de s’y comporter en faiseur de bien, en bref afin d’avoir des valeurs, est le fait que l’on peut choisir de ne pas la suivre. La philosophie suppose et argumente, jamais elle n’impose. En revanche, pour le christianisme et toutes les religions, ou encore toutes les doctrines et idéologies de toutes sortes qui n’ont cessé de sévir en Europe depuis deux siècles, il n’a jamais été question d’autre chose que d’imposer aux hommes une certaine vision du monde, et par là même leurs systèmes, leurs valeurs et, oserai-je le dire, leur justice ! Ces idéologies ont fait le monde tel qu’elles l’avaient décidé, le faisant reposer sur leur idéal. Toutes sont tombées, écroulées sous leur propre poids. Ce qui vient du peuple se maintient, ce qu’on lui impose finit par tomber. Un vrai peuple démocratique n’est pas choisi, il choisit lui-même, et cela on le sait depuis 1789. Quoi qu’il en soit, du marxisme jusqu’au capitalisme social, politique et économique tel que nous le connaissons aujourd’hui, tout doit nous servir afin de ne pas nous tromper à nouveau. A notre sens il est vain de chercher un système de valeurs dans les limites de notre définition à l’intérieur de ces idéologies, et ce pour deux raisons. La première est qu’il est extrêmement difficile de tirer honnêtement toutes les conséquences de systèmes qui reposent sur de mauvais questionnements, et leur échec en est la preuve. Deuxièmement, parce que tôt ou tard ces systèmes finissent par pourrir de l’intérieur et ne voient alors plus que par un trou de serrure les réalités béantes qu’ils avaient créées. C’est le cas de l’Église par exemple dont on pourrait se demander combien de temps encore elle va ramper, cramponnée à une morale décrépite, si ce n’est en se remorquant à une autre idéologie. On sait par exemple en Espagne le poids de ces mots, on leur rattache le sang des frères, l’ignominie, la haine. Le grand problème des catholiques, on le sait depuis bien longtemps, est qu’à force d’être en permanence sur la limite entre le simple croyant, le bon samaritain, et l’exalté assassin, ils finissent par ne plus être crédibles. Aujourd’hui le discrédit de l’église est devenu presque traditionnel, le XXe siècle s’est chargé de désacraliser la société, nous vivons depuis deux siècles sans dieu.

Le nouvel homme.
Or, l’absence de dieu ne signifie pas la mort du divin mais simplement l’absence de temple. Pour détruire le temple les hommes n’eurent d’autres possibilités que de tuer le christ. Mais la disparition de la religion dogmatique, en soi, ne représente pas une régression mais l’avènement de la force des hommes. Le christ n’est plus ce pilier de la culpabilité humaine que l’homme lui-même avait érigé, et à nouveau seuls devant la terre et devant l’humanité, il nous faut encore nous révolter. « La révolte tue les dieux cherchant à construire des temples. » (Camus, L’homme révolté) Et nous voici donc revenu à notre point de départ, celui du premier homme. Cependant aujourd’hui nous avons de nouvelles armes. Par exemple nous savons que nous ne voulons plus de dieu, nous savons que le nihilisme puis plus tard l’existentialisme ne se sont pas résolus absolument puis qu’ils sont morts et que, par conséquent, ils nous sont inutiles. La seule façon de vaincre pour de telles philosophies était l’acceptation totale ; l’acceptation partielle revenait à mourir. Et le XXe siècle est passé, entre une morale mal définie et une justice maladroite, il s’est frayé un chemin vers le confort de tous, entre les embuches des derniers révoltés. Certes la première moitié du siècle nous l’avons consacrée à des guerres fratricides dont la seule et véritable origine était la recherche désespérée d’un nouveau dieu à l’intérieur de l’homme. La seconde moitié, nous nous sommes chargés d’ignorer. D’ignorer tout au sens général et particulier. Après les grands conflits mondiaux, après la guerre froide, on a donné au monde un régent (nous nous refusons à nommé d’autre façon que par ce terme le gouvernement actuel des Etats-Unis d’Amérique). Puis, résignés à ne plus jamais avoir de dieu et à sombrer peu à peu dans le désespoir, nous avons fermé les yeux au monde.
Dieu disparu, c’est un vide de valeurs et de morale qui le premier s’installe dans la société des hommes. Autour de ce vide on a créé des institutions. Pourtant, au-dessus de ce vide plane l’incertitude du bonheur humain, de la liberté et de la justice. La finalité n’a pas disparu, mais elle n’a plus rien de solide sur quoi s’appuyer -les institutions ne sont pas éternelles. Le seul moyen aujourd’hui pour que les hommes recommencent d’agir selon des valeurs, et donc de répondre à des lois, c’est d’interroger notre nouvelle réalité, d’observer nos comportements tout en prenant garde à ne pas confondre ce qui nous questionne en tant qu’hommes et ce qui nous décrit en tant que société. Si l’on se base sur l’apparence, les plus étroits d’esprit penseront que l’humanité touche à sa perfection : la science, la technologie, la communication sont des preuves d’une évolution a priori positive. Cependant, a posteriori, et en termes de recherche du bonheur, il n’est pas difficile d’en voir les limites. Toujours est-il que l’on ne peut pas s’arrêter, lorsqu’on contemple notre société, à son apparence. Il n’est d’ailleurs pas rare aujourd’hui que des jugements définitifs soient prononcés seulement sur le paraître ; mais si une telle pratique est une infamie au regard de l’individu, c’est une véritable trahison au regard de l’humanité. L’image n’est pas l’être et observer n’est pas forcément voir la réalité. La conséquence la plus violente et la plus difficile du système occidental actuel réside précisément dans la difficulté d’observation à cause de nous et à cause des autres.

Esclavage volontaire.
En conclusion de tout cela, on peut dire que les valeurs dont nous parlons ne peuvent être chancelantes mais pleines. C’est dans la plénitude que l’on acquiert la force tranquille des faiseurs de bien, des constructeurs du bien. Ne pouvant donc ne nous raccrocher ni à la religion qui est notre héritage, que l’on soit d’ailleurs chrétien ou athée, ni à des doctrines aujourd’hui usées, il ne nous reste plus qu’à observer froidement que nous voilà de nouveau seuls, sans dieu, ni substitut de Dieu et comprendre alors qu’il nous faut réformer le système actuel de nos sociétés afin de trouver la matière sincère, loyale et pure, nécessaire à la prolongation de l’humanité.
Si nous ne voyons aujourd’hui plus guère de valeur dans la relation entre les hommes, c’est simplement parce que les valeurs, parmi tant d’autres choses, ont été vidées de leur contenu. Ou, pour être plus précis, nous nous sommes détournés tout au long de ces cinquante dernières années de ce qui fait d’un peuple un peuple et non pas une seule somme d’individus. Nous avons systématiquement écarté tout ce qui pouvait empêcher, ou ne serait-ce qu’entacher la réalisation d’un ouvrage commun à tous : l’enrichissement et l’augmentation des libertés de chacun. Il est clair que nous avons agi comme agissent les idéologies, exigeant beaucoup, s’imposant peu.
Si l’on se laissait tenter de regarder en arrière, il serait difficile de retenir un soupir de nostalgie quand on pense que cela n’a pas été difficile du tout de nous faire adhérer tous à ce nouveau dieu : le marché. Jusqu’à cette nouvelle ère, l’argent n’avait jamais été qu’un moyen. Plus ou moins indirectement, il a participé à toutes les injustices de ce monde, dans tous les siècles. Mais jamais il n’était devenu une fin en soi. Nous croyons pouvoir affirmer ici, la proposition suivante : en divinisant l’argent, devenu le centre d’intérêt unique de nos efforts, nous nous sommes détachés peu à peu de ce qui fait la vraie grandeur de l’homme et le seul objectif digne de ses tourments: la recherche de la vérité. La recherche de la vérité a reçu ces derniers temps un coup très rude : elle a été victime d’une indifférence si forte que seule l’histoire pouvait la sauver de l’anéantissement. De nombreux goûts de vivre ont été remplacés par des goûts de possession. Le plaisir d’avoir et avec lui toutes les perversités qu’il engendre sont devenus le but, la fin et le sens de la vie. Nous avons cultivé l’apparence au point d’en oublier qu’elle n’était pas la seule réalité des personnes. En somme, nous avons repoussé des limites qui parfois n’étaient peut-être pas poussées dans le bon sens – c’est le cas de la science qui de putain de la guerre est devenue putain de la mode-, mais qui souvent n’étaient essentiellement pas les bonnes. La question du véritable sens de l’homme, celui qui en fait un éternel chercheur de sa propre libération, seul dans un monde et -pire !- une société injustes, est restée. Seulement nous avons ruiné nos propres espoirs de nous sauver. Et, pour finir, nous l’affirmerons sans détour : nous sommes actuellement plus esclaves que jamais. Mais peut-être est-ce pire encore. Nous pourrions être moins que des esclaves. Car s’il est prouvé que l’on peut attiser la dignité de l’esclave afin d’en faire un homme révolté avec tout ce que cela entraîne de bon, de nécessaire mais aussi de mortifère, que faire quand l’esclave se croit libre ? Que faire quand la superbe de l’homme agit comme une soupape permettant le maintien de ce qu’il croit être sa survie et n’est en réalité que sa perte ? Comment se positionner face à un homme que son propre orgueil aveugle et dont les actes égoïstes mènent sur le chemin de la décadence et de la servitude, persuadé cependant d’être de plus en plus libre ? Que dire, enfin à un homme qui croit qu’il peut se sauver seul, qu’il peut être heureux sans les autres ? Ni dans la richesse, ni dans la solitude ni dans l’illusion du bonheur, l’homme ne se sauvera jamais. La seule façon pour l’homme, non de se sauver mais d’être en paix avec sa conscience comme avec son temps est de s’unir et de se débarrasser définitivement des leurres qu’il s’est créé. Une seule question est dès lors digne d’être examinée.
Pourquoi la révolte est-elle incapable de naître ? La raison en est en réalité toute simple : tant que l’équilibre se maintiendra raisonnablement entre libertés théoriques et injustices de fait, rien ne bougera. Tant que la tranquillité d’un demi bonheur agira comme un anesthésiant de la conscience humaine, nous continuerons d’être des hommes à moitié. Il y a derrière les valeurs un sens pécunieux qui nous empêche de lever la tête et voir que l’on peut faire mieux. Le jour où la pensée sera, ne serait-ce qu’un instant, aveuglée par le reflet de la société, ouvrant à son esprit tous les horizons qu’elle s’était fermés, les vraies valeurs renaîtront et nous recommencerons de courir, vainement mais salutairement, vers le bonheur impossible qui est la seule vie possible. L’humain doit réapparaître dans le cœur des hommes. L’individu doit de nouveau laisser une place à l’angoisse, à l’incompréhensible qui fait sa liberté. Alors, sur son lit de mort l’homme ne dira plus « je » mais « nous », annonçant ainsi qu’il a vécu seul, certes, mais dans la compagnie des hommes. Peut-il en être autrement ? L’homme peut-il ne pas se retrouver seul aux portes de la mort ? Le destin de l’homme est d’œuvrer dans l’espoir qu’il puisse en être autrement. Voilà probablement une des pensées qui pourrait nous aider à sortir de l’impasse où nous nous trouvons. Et nous n’avions pas pour projet en écrivant ces quelques lignes de formuler autre chose qu’une modeste proposition en faveur de l’espoir que nous nourrissons dans l’ombre de lire à nouveau la dignité dans les actes des hommes.


Juillet 2008

domingo, 14 de septiembre de 2008

El Cante de las Minas

Probablemente las mejores actuaciones que haya visto en la vida.
Es muy probable también que no sean las últimas y que repetiremos el Cante de las Minas otros años. Pero no cabe duda que esta edición 48 del Festival ha hecho evolucionar mi forma de comprender, y sobre todo de sentir, el flamenco.


Un pensamiento especial mientras preparo esta selección de fotos para Miguel Poveda cuya actuación aquella noche me delumbró con su belleza, su perfección emocional, su justa ejecución, en una palabara con su jondura.
Es él en las dos primeras fotos. La primera por Alegrías, la segunda no me acuerdo en qué momento, pero a todos se nos pusieron los pelos de punta, eso seguro.





El Manolete, rodeado de sus palmeros-cantaores.




A continuación el Lebrijano que con sus
ochenta y tantos años, a pesar de problemas
salud aparentemente graves, nos dio aquella
noche una magnífica actuación con extractos
de su nuevo disco (aquel con las letras de
G. García Márquez) y otras joyas que sólo
se encuentran en su voz. Era la primera vez
que lo veía y me dio mucha impresión ver a
tan grande maestro.





Aquí el Nano de Jerez con su acompañante. Un flamenco diferente que rompió bastante con el tema minero. Los aficionados a Pencho Cros no vieron mucha relación entre las mineras que cantaba el hijo predilecto de la Unión y la gracia gaditana del Nano. Son dos flamencos muy diferentes, la verdad. A mi, me encantó este aire, este duende, este gaditanismo del Nano de Jerez de la Frontera que es la cuna de la bulería. El Nano cantó una extraordinaria aquella noche.




Manuel Cuevas y su acompañante. Una actuación emocionante con un par de Fandangos muy bonitos al final. Un cante profundo y muy emocionante.



Abajo, el guitarrista de Rafaela Carrasco

miércoles, 10 de septiembre de 2008

Magie d'une nuit de jazz


Souvenirs de Ramatuelle...

Silence. La nuit, suspendue au-dessus de la mer, se fond avec elle et le dégradé de bleus tout à l’heure si harmonieux est à présent une vaste ombre où brillent de loin en loin les fanals des bateaux et les phares silencieux. Silence. Dans la pinède à l’entour et qui surplombe les eaux ténébreuses, les cigales se sont tues, les aiguilles ont arrêté leur doux balancement et la résine retient sa course, s’agrippe à l’écorce en devenant molle après avoir été liquide sous le soleil de midi. Dans cette nuit aux mille étoiles, perché dans les hauteurs d’un petit village provençal, un groupe de personne attend. Silence, nuit teintée de légères lumières violettes. Un piano, quelques pupitres, des chaises. Une batterie au repos et une trompette la tête en bas. Eux aussi attendent à l’intérieur de leur corps froids que coule la chaleur de la musique. L’air est tendre et la contrebasse, allongée sur le coté comme un cheval au repos, semble sourire. L’instant d’après, dans un minuscule théâtre de verdure de village, sur une scène grande comme un oeil qui regarde le ciel de son regard de colonnes romaines, aparaissent huit musiciens et une musicienne. Silence. Ils s’assoient. Silence. Il ne regarde pas le public, le public n’applaudit pas. Silence : l’ombre du théâtre se mêle aux ombres des costumes, c’est la magie de la scène qui commence...

La violoncelliste jette cinq ou six notes, jouées au doigt, syncopées, et les répètent, et encore, et encore. Elle ne regarde personne, mille regards la dévisagent. Et elle se couche sur son instrument pour aller chercher cette note, ce retard si passionant que prennent entre elles les mesures pour mieux prendre appui les unes sur les autres et s’envoler. Et puis soudain, comme plannant au-dessus d’elles, en avalanche, les deux violons et l’alto simultanément surgissent, envahissent l’espace multipliant les phrases, enchaînant les rythmes. Chacun semble parler à part soi, tous entendent l’unité. Et derrière, en fond, essentiel comme l’air que l’on respire, feutré comme la patte du chat sur la gouttière, profond et puissant comme les entrailles de la terre, le violoncelle, toujours le violoncelle. Le public est de plus en plus silencieux, et de ce silence naît la musique.
Tout à coup une note du violoncelle semble s’accentuée, puis une autre et encore une autre. A chaque révolution mélodique les notes-piliers semblent plus forte, plus puissante : et c’est que la contrebasse, en douce, comme qui n’y fait pas attention, vient soutenir le violoncelle de ses cordes épaisses comme les bras d’un père quand on est enfant. Puis, d’abord insensiblement, la batterie apparaît. Ce sont des coups légers, un peu de charleston et des bords de caisse claire, mais elle intensifie l’ensemble par sa simple présence. Enfin, la seconde suivante, au signal du saxophone qui ronronne, de la trompette qui crie et du piano qui rugit, tous ensemble, d’une seule corde, d’un seul souffle, d’un seul geste, neuf musiciens jettent aux cieux dans un grand rire chaud de gorge profonde un feu d’artifice si coloré que même les étoiles applaudissent !

De ce qui suivit on ne peut rien dire sinon qu’il vaut mieux se taire pour mieux s’en souvenir. Nous venons d’essayer de raconter les deux premières minutes de ce qui fut un extraordinaire voyage musical qui dura deux heures. Un compositeur génial, huit magnifiques interprètes et une inspiration puisée chez les plus grands. Il fallait oser réunir un quintet de jazz à un quatuor à corde, mais il fallait le talent d’un génie pour marier Manuel de Falla à Herbie Hanckok. Merci Karim Maurice.

10/09/08

jueves, 4 de septiembre de 2008

Les peintures de l'âme


A ma mère

Paysage de couleurs, formes de la vie,
Une barque, un soleil, une fleur,
Sous un pinceau qui rit.

Pastels, bleus, verts, orangés,
Fusain, encre de chine
chantent leurs divines voluptés.

Et les traits s’amusent et se confondent,
On devine derrière le tableau,
Le peintre et sa muse faisant la ronde.

Et dansez! Dansez peintures de l’esprit,
Dansez puis posez vous où il vous plaît
Sur une toile ou dans le coeur d’un ami.

Et nous verrons chez nous notre propre reflet,
Le miroir de nos pins sacrés, celui de nos façades bénies.
Nous verrons comment ce qui est renaît
Sous la plume du poète
Sous le pinceau du peintre
Dans nos coeurs et dans nos têtes,
Là où les peintures sont des souvenirs
qui se fondent en une étreinte

03/09/2008

domingo, 31 de agosto de 2008

Celui qui a échoué

Et les jours défilent sans bruit,
Semblables à un train de nuit,
Etranges,
Comme une pluie sans nuage
Et des rires d’enfants sages;
Louanges
A un coeur qui s’est éteint,
A une âme que plus aucun Dieu n’étreint,
Et que jamais plus ne dérange
Le flux amoureux de l’âme passionnée,
Ni la comédie humaine ni l’envie rassasiée...

Là, dans son refuge aux sombres pensées,
le poète crée ce à quoi il ne peut songer,
et l’on écrira plus tard
la magnificence sans hasard
du génie qui a fait le poème,
quand il a conté ses vers sans même y penser.

Mais il n’est plus temps pour sauver le navire,
et les voiles déjà pleines de la bruyante tempête
ne savent plus de l’avant ou de l’arrière
lequel est le mauvais choix, le geste pire.
Les lanternes des ports, parsemées dans le lointain,
qui avaient jusqu’alors guidé le sillon débile,
se firent floues et moururent dans la paisible,
la sereine obscurité, arme si utile aux assassins.
Eh quoi ! le craquement sinistre de la coque vous effraie ?
Sachez pourtant que ce n’est que justice :
car quand les marins sont des idiots qui n’obéissent
qu’à de fausses croyances et des préjugés malsains,
ils sont, monsieur, des naufragés avant d’avoir embarqué.


Là où l’homme ne fit rien, il n’est rien à dire.
-Mais là où il caressa une fleur,
tous les discours du monde s’émeuvent et se tarissent.-

Là où l’homme refuse de penser, il n’est rien à écrire.
-Mais la plume universelle est bien faible,
à l’endroit où il déposa un songe.-

Là où l’homme refuse et abandonne, il n’est de grandeur à lui décerner.
-Mais nul ne peut mieux que l’éternité
baiser les pieds de celui qui a échoué.-

05/12/06

viernes, 8 de agosto de 2008

Pourquoi So What?


Pourquoi So What?, aucun passionné de jazz ne posera évidement la question. Pour les autres, référez-vous à l’album de Miles Davis intitulé Kind of blue. So What, c’est l’énergie et la souplesse, c’est le swing et le silence. So What est une chanson que l’on murmure à l’oreille de la femme qu’on aime et que l’on improvise au hasard des rues. So What est une maladie qui vous prend à n’importe quel moment et ne vous lâche alors plus de tout le jour. So What, c’est aussi l’excitation de la nuit : c’est le brillant d’une cymbale, le cri d’une trompette et une longue danse endiablée pleine d’étreinte de joie et de tendresse. So What c’est la surprise et c’est l’espoir ; c’est une ombre qui glisse sur les miroirs, c’est une scène léchée par des clairs-obscurs lancinant qui fascinent et qui effraient.
So What c’est l’accord parfait entre le sentiment mélodique et la nécessité physique du rythme.
So What c’est le génie désinvolte de Miles.
So What, enfin, est une grande question.
Metaphysic Miles ?

Être et paraître

Il y a quelques jours j’ai lu un article concernant la grande réussite plastique d’un jeune équatorien. L’immigration latino-américaine en Espagne est un thème bien trop complexe pour que nous puissions prétendre ici y porter un jugement. Nous nous contenterons donc de remarquer cet événement comme un fait significatif démontrant non pas un mal-être mais l’incroyable acceptation d’un mal pernicieux qui sévit dans nos sociétés. Le fait est très simple. Il s’agit d’un jeune homme qui décide de changer d’apparence, ou plus précisément de modifier certains traits de sa physionomie, afin de répondre aux canons de beauté occidentale. Si l’on s’en tient à ce simple énoncé, cela n’est en rien surprenant dans une société où l’apparence vaut plus que l’être véritable, et où par conséquent la science de la transformation est reine. Les canons de la beauté, en occident, sont devenus un des piliers de la société. Il faut à tout moment et en tout lieu répondre aux critères physiques d’une beauté dont on pourrait certes discuter la définition, comme les manifestations d’ailleurs, mais qui en fin de compte n’est ni plus ni moins ce que la société a toujours fait : imposer les critères esthétiques de son temps.
Néanmoins la même question revient inlassablement et le débat entre esthétique et éthique ne se tarit point. Afin de voir ce qu’il y a vraiment derrière ce désir de transformation, il nous faut donc découvrir le but de la démarche qui mène à la chirurgie esthétique. Car on ne va pas sans objectif se faire opérer, et des objectifs il y en a beaucoup. Le premier sans nul doute fut celui de réparer certains dommages que la vie nous inflige dès la naissance ou au cours de la vie. Se faire opérer pour gommer les malformations d’un bec de lièvre peut être compréhensible car il s’agit d’une esthétique somme toute banale et puisque la science en offre la possibilité on comprend sans trop de difficulté que l’on veuille en profiter. Encore que la nécessité de faire disparaître un trait de sa physionomie afin d’avoir un meilleur paraître pose encore et toujours la question de la nécessité d’un paraître en accord avec le beau de l’époque. Mais enfin dans ce cas la question reste moindre dans ses conséquences comme dans ses causes[1]. Par la suite la chirurgie gagna l’apparence féminine et elle est depuis devenue la chirurgie la plus industrielle. Poitrine, lèvres, fesses, le lien étroit entre esthétique et sexualité est notable mais il n’est pas central. Sur la coquetterie des femmes La Bruyère a suffisamment écrit. Il n’est là rien de nouveau, seules les manifestations de ce désir de plaire ainsi que ses solutions ont changé, et encore bien peu ; leur changement est relatif aux progrès de la science. Ici encore la question éthique ne peut manquer de se poser mais elle se pose à nouveau dans des termes vieux de plusieurs siècles, il n’est donc là aucune particularité de notre époque. La société rejette ce qu’elle considère comme non répondant à ses critères de beauté. Ce qui pousse un individu au changement d’apparence est un mal-être que la société dans laquelle il vit lui fait ressentir. Bien-sûr, c’est comme tout, du mal-être exceptionnel qui amène à une décision exceptionnelle on court toujours le risque de franchir le pas qui mène de l’exception à la tradition. C’est ainsi qu’aujourd’hui un grand nombre d’opérations est dû plus à un effet de mode qu’à un réel rejet de la société. D’autre part les grandes maladies de ce siècle tels les déséquilibres mentaux, les instabilités émotives et autres participent aussi de cette vague de désir de changement. Le paraître et l’image possédant une valeur prépondérante dans la société occidentale actuelle, il semble logique que dans le miroir de la société on se trouve à soi-même quelques imperfections. Ici la société n’agit qu’indirectement comme détonateur de la chirurgie esthétique. Elle est un idéal dans lequel on se retrouve ou pas. Mais si la décision d’améliorer ce que la nature nous a donné nous appartient, sans idéal, il n’y aurait pas non plus de nécessité de tendre vers l'amélioration. Quoi qu’il en soit, si la chirurgie est aujourd’hui devenue un remède, c’est bien parce qu’on a voulu faire de l’apparence de l’homme un signe de bonne santé ou de maladie. La bonne santé, c’est la beauté ; la disgrâce est un cancer.

Malgré tout cela, le cas de ce jeune homme se soustrait à toutes les observations précédentes. Pourquoi ? Parce que la question ici n’est pas simplement esthétique, elle est aussi raciale. Voudra-t-on nous faire croire que l’occidental est tellement beau que toutes les autres races veulent lui ressembler ? Veut-on nous faire penser que ce jeune homme est allé se faire changer le nez pour mieux ressembler à ces hommes et ces femmes –qui n’ont d’ailleurs plus de l’homme et de la femme que la composition physionomique globale- que l’on voit à la télé ? Ce jeune a voulu, et c’est lui qui le dit, effacer ses traits «incas.» Traduction : il a voulu ne plus paraître ce qu’il est en vérité. L’article, évidement, ne dit pas les causes de cette décision de la part du jeune. En revanche il insiste sur le fait que la décision vint de lui et sur le succès de l’opération. Interrogeons-nous tout de même sur les raisons car nous avons l’intime conviction qu’elles dépassent, et de loin, la décision que l’on veut consciente, mais qui n’est autre que conséquente, d’un jeune homme évidement victime de la société où il se trouve.
La supériorité du monde occidental sur le reste des civilisations actuelles n’est pas à démontrer. Sa dictature politico-économique non plus. Mais c’est ici la dimension sociale de cette hégémonie qu’il faut dénoncer. Lorsqu’un homme se sent supérieur aux autres, il est souvent intolérant, raciste et il peut lui faire tout le mal que peut faire un homme à un autre, il peut le tuer. Lorsqu’une nation se sent supérieure aux autres, possédant les mêmes caractéristiques que l’individu qui la compose, elle en a les mêmes pouvoirs bien qu’elle les exercera à une échelle supérieure. Que les camps de concentration en soit un des témoins historiques. Le fait est qu’aujourd’hui les mêmes sentiments de supériorité régissent l’ordre mondial. La différence est que cette supériorité est pernicieuse. En fin de compte jusqu’à il y a soixante ans, on haïssait d’abord, ensuite on entrait en guerre et puis on reconstituait sa gloire sur les cendres des vaincus. La haine était clairement affichée, la sauvagerie assumée et finalement les modèles antiques étaient respectés. Le danger de l’actuelle supériorité de l’occident s’exerce par le rejet psychologique. Il ne s’agit plus de combattre mais de dénigrer, il ne s’agit plus de frapper mais d’ignorer, il ne s’agit plus d’emprisonner mais d’abandonner. Certains penseront qu’il vaut mieux une terre pleine d’hommes esseulés, abandonnés à leur propre sort, qu’une terre meurtrie où règnent la terreur et le sang. C’est une chose très grave de penser cela car qui voit la paix et la liberté dans l’homme sans dieu et sans les autres confond l’homme vrai et ce qui ne serait que l’ombre de l’homme, un animal. La dignité de l’homme d’aujourd’hui n’est ni dans la guerre ni dans l’indifférence, elle se trouve dans le désir de faire une vraie loi –nous entendons par vraie loi, une loi limitée et non amovible comme c’est le cas actuellement- afin d’obtenir une vraie justice et pouvoir ainsi prétendre à une certaine liberté.
Mais venons-en au cœur du problème. Quels sont les motifs de cette nouvelle forme de haine basée sur un rejet placide ? Ce sont toujours les mêmes : la haine des religions, la haine des races. La logique est claire, incontournable et effrayante : avant on disait « tu es juif », et on t’emmenait au camp. A présent on dit « tu as une tête de juif », change-la ! Voilà le fond de cette affaire : que ceux qui permettent, encouragent ou facilitent le changement physique au nom de la race et à cause de l’apparence sont des nazis déguisés en Yves Saint-Laurent. Tant que l’apparence n’est que l’esthétique pour l’esthétique, l’homme vit dans la superficialité mais il vit tout de même. Lorsque l’apparence devient le motif d’un clivage racial il s’attaque à la profondeur des êtres, l’apparence devient alors assassine. D’autre part, et c’est là une particularité nouvelle de cette guerre sourde et libre de sang qui règne entre les hommes, c’est qu’apparemment la société occidentale amène les non-occidentaux à une conversion de leur propre chef. Le nouveau dieu Apparence n’exige pas la conversion, il la rend évidente et inéluctable. Ce jeune homme parle fièrement et avec conviction de sa transformation. En d’autres termes, on a réussi à lui faire détester ses origines, à les renier et enfin à les faire disparaître au profit d’un beau que l’on voudrait universel et qui n’est que le reflet des pires noirceurs sectaires de l’âme. Il y a là une violence psychologique au moins aussi puissante qu’un revolver, car vivre sans dignité, c’est presque être mort. Et nous pensons qu’il n’y a guère de différence entre n’être plus et être à moitié.
Voilà pourquoi, qu’on le comprenne ou pas, nous n’avons pas pu lire cet article comme son auteur l’a écrit, un sourire aux lèvres en pensant aux bienfaits de la science, mais en songeant, indigné, que la justice et la liberté dont ce jeune croit jouir n’est autre qu’un leurre qui le mène à sacrifier sa propre identité sur l’autel de l’intolérance, contraint de la sorte à tomber en esclavage et se voir privé de dignité.


[1] Observons cependant que si on considère que la chirurgie est contre-nature on peut difficilement en amoindrir le fait. La nature en ce sens ne connaît pas de demi-mesure, elle est respectée absolument ou absolument bafouée. Mais la notion d'éthique n’étant pas l’objet premier de cet article, nous ne développerons pas cette question.

Août 2008

lunes, 4 de agosto de 2008

Aux fleurs la liberté, aux hommes la danse


Aux premiers cris du ciel, l’homme se terra.
Puis, halluciné, il ressortit bientôt
les bras ouverts, sous les lueurs sacrées.
Aux premières larmes de Dieu, il dansa.
Aux hommes l’infini, à la terre la vérité.

Et les corps, déformés, courbés, affolés,
faisant et défaisant l’espace,
se firent une voie de la peur jusqu’à l’aurore,
du monde des bruits au langage des rythmes.
Aux hommes l’œuvre d’art, à Dieu la parole.

Les femmes, les hommes et les enfants, tout de chair et de sang,
réclamaient du ciel les bienfaits et de la terre les trésors.
C’était l’air qu’ils brassaient, les gorges qui priaient,
c’était les bras allongés sur le sol et les mains qui cognaient.
C’était de la musique enfin ! Frénétique et nécessaire.

Puis le cœur s’en mêla et les chaînes se fermèrent
sur les poings, sur les pieds, sur les cous.
Les hommes calculèrent, le sang cessa de s’agiter.
La nature resta seule et les ombres continuèrent de danser.
Aux hommes la démence, aux fleurs la liberté.

domingo, 27 de julio de 2008

Las rocas tienen dueños


En una minúscula cala de una costa cualquiera, estando el sol arriba bañándonos de luz y agua, he conocido hoy las rocas de una abuela. Estas rocas, potentes aunque desgastadas se hicieron menos ariscas, más blandas, bajo los pasos de la anciana. A mí, desconocido, me habían parecido duras, con filos sobresalientes como hojas de cuchillo. Los dueños de las rocas se conocen porque no las miran: saben que están ahí y apoyándose en ellas, les dan los buenos días. Las rocas que son de uno se conocen porque sonríen en la luz del sol cuando viene aquél que conocen.
Yo también tengo rocas mías. En otro lugar, no muy lejano, no muy diferente. Aunque, desde luego, si son rocas hermanas, no son iguales. Yo conozco mis rocas y ellas me conocen a mí, como otros conocen y son conocidos por otras rocas. Si no tuvieran dueños no se sabría quienes son las rocas. Tienen vida porque tienen dueños. Así son muchas cosas de la naturaleza que agradecen ser por alguien conocidas. Así, simplemente.
El caso es que mis rocas antes de ser mías fueron de mis padres y antes de mi abuela. Antes eran de otros. Soy sólo la tercera generación y ya les tengo cariño a mis blancas, roídas, saladas y enormes rocas. Son un poco lo que a nosotros los hombres nos queda del tiempo pasado. En las rocas podemos leer la edad del mar.
Esperemos –es un deber- que las rocas no dejen jamás de tener dueños. Decidamos desde hoy no dejar de poseer rocas pues la edad en que vivimos la vivieron ellas primero. ¿Seremos tan locos como para serrar la noble rama en la que, divinos brotes, venimos, vivimos y pasamos?

Julio 2008

jueves, 24 de julio de 2008

Tejados...


Tierra de los hombres: cual mosaico de civilizaciones vestidas de luces, tus tejados reflejan los colores del cielo. Tejas rojas, palacios dorados, puntas románicas, curvas barrocas, hablad vuestro idioma de tierra y cielo, decid vuestras palabras de arte y esperanza.

Tejado. Entre aire y barro, este rincón es tuyo, donde cae la lluvia y sube la llama.

Tejado. De paja, de tejas, de barro, eres la tranquilidad del padre
y la seguridad del hijo.

Tejado. En tu pizarra escriben las nubes palabras divinas,
quejas de dioses, con luz y sombra.

Pero, ¡Tejado! Arroja las cruces de tus campanarios, rompe tus banderas y líbrate de la soberbia del hombre, de sus dioses y su incertidumbre. No dejes que te empuje el viento ni te muerda la nieve, sálvate de la intemperie de la pasión humana. Quienes te edificaron en tiempos de paz te tumbarán en la guerra. Símbolo de felicidad del pueblo, arderás primero en las chozas.
Fuiste el primer refugio del hombre, serán tus escombros su última tristeza.

Tejado,
sombrero de la humanidad,
¡Ojalá los hombres contigo
cubriesen todas sus cabezas!


Julio 2008

Réflexion sur Giono


Assis au pied d’un arbre, dans les ombres d’un chêne centenaire, lire Giono est comme une vague de sens qui vous submerge et vous ravit. Les fleurs font des bruits, le ciel a un parfum, les orages sont des visions. Tout est vivant et tout réclame son existence : les saisons, le rire malicieux des ruisseaux, les blés et les nuages, les étoiles et les plantes. La nature est un spectacle aux mille artistes, et l’homme est l’un d’entre eux. Dans l’ordre infini de l’univers la nature est d’abord, l’homme pense ensuite. Chez Giono, les hommes contemplent les réalités magnifiques et dramatiques, et ne s’en sentent pas maîtres. Sans se l’avouer vraiment, ils connaissent leurs limites et savent aussi qu’elles leurs sont dictées par une puissance supérieure, un espace qui lui, probablement, ne connaît pas de bornes. L’homme accepte d’être limité au cœur de l’infini. Il sait qu’il est comme les fourmis, les girafes ou les baleines, une digne société qui prend part à une réalité dont la compréhension globale lui est inaccessible. Et pourtant, malgré la pleine conscience qu’ont les personnages de Giono de l’absurde camusien, ils ne sont ni suicidaires ni révoltés.

Le premier homme, devant l’incertitude de sa vie au milieu d’une nature dont il ne pouvait contrôler les actes, dut inventer le premier dieu. Et il lui fallut le créer à son image pour pouvoir en faire le coupable de ses peines. Reconnaissons-le, il est bien plus facile de se positionner en victimes d’une force invisible que d’affronter une puissance visible, immuable et invincible. Sans doute aussi est-il plus facile d’être la victime de l’injustice d’un dieu capricieux que d’être le jouet d’une nature qui n’est ni juste ni injuste, ni généreuse ni mauvaise, mais qui répond à des ordres que l’homme ne peut donner. L’homme n’a aucune emprise sur la nature comme la terre n’a aucune emprise sur l’univers, elle n’en est qu’une minuscule composante, une particule de matière. Mais à l’inverse l’homme fait agir les dieux comme l’artiste guide sa propre création. Car dieu est l’œuvre des hommes. Cependant, l’existence d’un dieu ne fait pas disparaître l’ordre naturel des choses -tout au plus l’en rend-il coupable- et l’homme en définitive reste ce roseau – ce brin d’herbe luisant de Giono- balancé entre l’honnête intransigeance de la terre et les tourments aléatoires des dieux qu’il a lui-même créés. Enfin, il nous faut également dire que les dieux, en général et en particuliers, ont permis à l’homme au cours des siècles de se délivrer du poids de certaines responsabilités. Au contraire des dieux grecs ou du dieu des chrétiens ou de tout autre divinité, la nature est loyale et pour cette même raison irréprochable. Et c’est précisément cela qui pousse l’homme vers dieu. Les dieux sont supérieurs aux hommes et n’ont d’autre prétention que d’être adorés par des êtres agenouillés, vaincus. La nature en revanche donne à l’homme sa vraie mesure. Elle le place au cœur de la terre et le laisse aller à sa guise, s’organiser en société, et tenter d’être heureux. Au sein de la nature l’homme est l’unique responsable de ses actes ; au sein d’une religion dieu est aux hommes ce que Simon de Syrène fut au Christ. C’est pourquoi l’homme, voyant le divin placé entre ses mains, le rejette aussitôt vers le ciel et décide d’être malheureux à cause de dieu plutôt que d’être dieu lui-même.
Si les personnages de Giono ne sont ni suicidaires ni révoltés, c’est parce qu’ils ont choisi de vivre et de mourir dans la nature plutôt que d’espérer vainement, les yeux rivés sur l’Olympe, une impossible salvation. Des hommes comme cela il en a toujours existé, fasse la nature qu’il en existe toujours !

Que ma joie demeure, récit prophétique à ses heures, proposition pour un hypothétique avenir de l’absurdité humaine, a souvent été considéré comme un roman régionaliste. Certes Manosque, ses collines et ses vallons, sont un décor particulier et charmant ; certes il y a d’autres endroits charmants dans le monde. Tous ceux qui ne veulent voir dans la littérature régionaliste qu’une simple technique particulariste, un égocentrisme littéraire, ou pire, un impressionisme ignorant, n’ont de toute évidence pas compris le message fondamental véhiculé par ce genre d’ouvrage. Les ouvrages dits régionalistes s’opposent aux ouvrages grandiloquents, aux textes philosophiques, raisonnés, argumentés et autres œuvres de la raison. Ils s’opposent aussi à tout un pan de la littérature romanesque du XIXe siècle. En réalité le régionalisme -et il serait peut-être bon d’essayer de lui donner aujourd’hui un nouveau souffle- n’a d’autre but que de considérer l’homme dans son environnement concret et de tirer de cet état naturel toutes les conséquences universelles possibles. L’objectif de la littérature régionaliste est le même que celui de la philosophie : comprendre l’homme, faire que l’homme se comprenne lui-même. Que l’on parte d’une analyse scientifique du comportement ou de la description mythique d’une journée de moisson, quelle différence cela fait-il ?
Chez Giono tout se mélange, la nature, l’esprit, la prière, le cœur, la poésie, l’homme enfin, et il n’est pas dit qu’il y ait moins de réponses ici qu’ailleurs.

Juillet 2008

martes, 22 de julio de 2008

Rêves...

Ô doux rêve, paisible promeneur des nuits d’été,
emmène-moi avec toi sur tes chemins de liberté
et guide mon imagination ; apaise le feu de ta vérité
et laisse mon esprit se mêler à l’or bruyant des brûlantes visions.
Je dépose en toi ma conscience, en toi se repose ma raison ;
en toi un instant les mots deviennent des ombres
et au concert des mélodies de l’âme une douce oraison
appelle mes sens à de douces images d’ambre...

Eh ! Toi ! Image furtive, frisson,
d’où viens-tu, petite curieuse ?
De quel recoin as-tu surgis ?
De quelle mémoire oubliée ?
Quelle triste envie, quel fou désir...
Laisse-moi ! Non ! Pas le désespoir !
Je t’en supplie, laisse en moi le doute,
la peur et l’impuissance ;
Mais n’abandonne pas ton rêveur à l’idéal,
car dans le combat inégal du rêve et de la vie,
la vie sans doute s’en trouverait sacrifiée.
J’aime tant les hommes et j’aime tant rêver !
Ne me fais pas haïr en songe ce que j’aime en réalité !


20/07/08

What is music


What is music to you?
What would you be without music?

Music is everything.
Nature is music ( cicadas in the tropical night)

The sea is music,
The wind is music,
Primitive elements are music, agreeable or discordant.

The rain drumming on the roof,
And the storm raging in the sky are music.

Every country in the world has its own music,
And the music becomes an ambassador;
The tango in Argentina and calypso in Antilles.

Music is the oldest entity.

A baby is born, and music puts him to sleep.
He can’t read, he can’t understand a picture,
But he will listen to music.

Music is marriage.

Music is death.

The scope of music is immense and infinite.
It is the “esperanto” of the world.

Music arrouses courage and leads you to war.
The romans used to have drums rolling before they attacked.
We have the bugle to sound reveille and pay homage to the brave warior.
The Marseillaise has led many generations to victories or revolutions;
It is a chant of wild excitement, and delirium, and pride.

Music is eternal,
Music is divine.

You pray to your god with music.

Music can dictate moods,
It can ennerve or subdue,
Subjugate, exhaust, astound the heart.

Music is a cedar,
An evergreen tree of fragrant, durable wood.

Music is like honor and pride,
Free from defect, damage, or decay.

Without music i may feel blind, atrophied, incomplete, inexistent.


Duke Ellington

Una solución para el problema del agua...


Los grifos volantes: ¡Qué gustazo da ver con qué facilidad solucionan las cosas los belgas!

domingo, 20 de julio de 2008

Mis letras de flamenco favoritas

Cuando va andando
Cuando va andando
Rosas y lirios
Va derramando
Tradicional

Hacia la mar navega
y al ancho llano
donde la arena bebe
el mar amargo...
Camarón

No le quites los hilvanes
hasta no entregá la prenda
porque luego el dependiente
no te la admite en la tienda
Tradicional

Arriba la oliva
abajo el limón
limón, limón
limonero de mi vía
limonero mío
de mi corazón...
Jacinto Almadén

Mañana me voy pa Cai
salgo del Puerto Santa María;
y yo me vi en un vapor
por contemplar su hermosa bahía
Antonio Mairena

La fragua


En la Isla yo nací,
Me crié al pie de una fragua...

Poèmes musicaux


I
Elle sonne, résonne, résonne
Elle est longue et élastique,
Elle n’a pas de forme.

Elle envahit l’espace,
Recouvre le monde,
Elle n’a pas de forme.

A peine le temps de naître
Qu’elle meurt déjà
Pour qu’en naisse une autre
Qui aussi mourra.

Elle n’a pas d’espérance de vie
Elle vit son instant et s’en va
Elle se glisse au creux d’une oreille
Et lui souffle ses merveilles.

Elle n’a pas de forme,
Mais elle a des couleurs
Invisibles, dans l’air.

Elle n’a pas de forme,
Mais je la vois à tout instant
Venir à moi et rire dans ta voix.


II
Crie ton instant !
Tu es déjà morte.
Rassemble ton présent !
Tu es déjà passée.
Ne déborde pas !
Reste où tu seras.

Ton futur n’existe pas,
Regarde ici et maintenant,
Il est déjà là !
Regarde ici et maintenant.
Tes temps sont en toi,
Tes temps sont déjà là.

On te jette dans l’espace,
Mais tu ne voles pas,
Tu planes un instant et passe
Et te fige en l’air.
Tu bouges encore sans qu’on te voie.
Tu bouges encore, mouvement immobile dans l’espace roi.


III
Si l’on t’entend, tu existes
Si l’on ne t’entend pas, tu existes
Tu es la forme par excellence.
Tu es la couleur et le silence.


IV
Où vont les notes ?
Après leurs temps, sont elles mortes ?
Où vont les notes mortes d’instruments épuisés ?
Après le spectacle, où vont les notes mortes d’instruments épuisés ?
Où vont les lignes et les portées des notes mortes d’instruments épuisés ?
Après le concert, où vont les lignes et les portées des notes mortes d’instruments épuisés ?

Elles vont s’enfouir dans l’oubli, s’enfermer dans le silence.


V
Il n’est pas d’heure, pas de moment pour écouter l’unique chose qui parle du temps et le détruit au même instant : la musique.


VI
Claire, limpide, elle se glisse entre les herbes, en suivant le courant. Puis, elle se jette de la falaise à la suite de ses sœurs, et disparaît, en l’air, suspendue, immobile dans le temps et dans l’espace. Elle se fige, glacée et scintillante, muette et bavarde. Et dans les flots emmêlés elle disparaît à tout jamais.
Tout au long de son trajet, elle s’était tue, elle s’était faite discrète : son temps n’était pas venu. Elle se faufilait, évidente, sans se faire voir. Elle était attirée par une force supérieure, elle ne décidait pas. On l’avait faite naître pour mourir. Sa vie, bien antérieure à sa présence, à sa réalité présente, avait commencé quand rien encore n’avait commencé.
Quand le génie crée, tout est déjà là.
Quand le génie crée, le temps cours déjà vers sa fin.
Quand le génie crée, tout est rassemblé, tout est uni, mais rien n’est.


VII
Mais c’est vrai !
Je vous dis que c’est vrai !
C’est réel.
Je m’obstine,
je vous l’affirme
à pleins poumons :
elle existe !

Ah ! Mais elle est déjà passée !
Comment pourrais-je vous convaincre de ce qui n’est plus ?
Comment vous convaincre de ce que vous ne pouvez plus sentir ?
A quelle réalité, que vos sens ne palpent pas, pourrais-je vous faire croire ?
Il faudrait me faire confiance.

Me ferez-vous confiance ? Je l’ai entendue : c’est vrai.
Mais ma réalité et la sienne et la votre sont déjà autres.
Me croirez-vous ?
J’ai senti en moi vibrer tout son éphémère,
toute son existence
et sa non-existence.
Je l’ai cru. Vous devez me croire.

Ah ! Hélas !
Les mots sont vains pour exprimer ce qui ne se voit pas,
ce qui ne se dit pas,
ce qui ne se touche pas.
Comment rendre vrai ce qui n’existe pas ?
Je l’ai entendue surgir mais elle est déjà partie.

Attends-moi ! Attends-moi ! Où vas-tu comme ça ?
Tu ne peux pas me laisser… J’ai cru en toi et déjà tu disparais !
Puis-je croire en moi et en mes sens, si tu me trompes chaque fois que tu nais ?
Si ce que je sens à chaque instant n’est plus, est-ce que je continue, moi, d’exister ?


VIII
Trompette acide, brise le cristal
des mots,
et crie,
crie
toujours plus haut.
Frisson de bas en haut…

Suave et rude contrebasse,
donne les mots qu’il faut.
Non !
N’en dit pas trop !
Ta présence suffit, tu es le flot…

Tu cours,
tu sautes,
tu rebondis,
et tu claques !
Fais-nous danser,
tranquille percussion d’été…

berce-moi, berce-moi
insaisissable et si belle,
clarinette
du bout des doigts.
Ça y est !
Je glisse vers toi.

Rauque,
grave
ou sautillant,
tu ris et tu dragues,
tu donnes du cœur,
du sax pour mes malheurs…

Et la note pure
sort de ton corps.
La note,
c’est ta voix
La note,
c’est toi.

27/02/05



Elle est entrée dans le monde comme ça, par hasard, par une porte d’air ; puis elle a envahi l’espace et elle s’en est allée aussitôt.
Elle a fait irruption dans mon monde comme ça, par hasard, par un passage secret ; puis elle a mis son cœur dans mon espace et elle s’en est allée.
Elle est tombée de son monde comme ça, par hasard, elle a perdu l’équilibre ; puis elle s’est relevée et a repris possession de son espace dans le mien, puis elle s’en est allée.
Elle a plané un instant avant de redescendre vers moi, pas à pas, depuis les hauteurs de la création vers les ignares bas-fonds de l’auditoire.


28/02/05

Contemplation

Devant s’étend la mer. Brillante de tout son argent, frissonnante sous sa fine couche de brume, calme et sereine, elle s’étend jusqu’au bout du monde. La douce ligne horizontale qui semble être sa clôture – pour nous qui la voyons à taille d’homme – est un abîme pour le regard et la pensée. Elle fut le flot qui mit en colère et rasséréna Hugo, elle fut l’obsession d’Hemingway et l’excitation de Colomb. Et elle est aujourd’hui encore cette source inépuisable d’inspiration, ce flux captivant et étourdissant, ce doux va-et-vient qui apaise les âmes. Derrière la grande verrière de ce petit pub de village, un homme la regarde. Il écrit. Il écrit ce qu’il voit, il écrit ce qu’il vit. Il écrit sans penser à rien. Les mots coulent dans sa plume comme les flots s’évadent entre les mailles des filets. Rien ne retient ses mots, il n’est pas de mesure, pas de limite à son expression. Et la mer est là ; elle se laisse regarder, elle se laisse caresser par les yeux et par les mots de l’homme. Elle aussi elle le regarde mais son regard est si profond qu’il ne lui parvient pas. Au loin, sur la terre, les yeux de tous les océans observent les hommes. Celui-ci est un homme simple ; il la regarde avec le regard émerveillé des contemplateurs. Ce n’est pas le regard révérenciel des défenseurs de la nature, ni celui amoureux des marins, ce n’est pas non plus le regard brillant des premiers explorateurs. C’est ce regard rêveur qui voit sans voir, ces yeux qui regardent trop fixement et finissent par ne plus voir mais imaginer. Les images alors se superposent, affluent, sans but, sans raisonnement, sans pourquoi. Et le mouvement lancinant de la mer est comme une force jaillissante, une muse éternelle et régulière qui alimente la rêverie des hommes. Et les vagues qui agitent la pensée n’ont ni début ni fin, ni naissance ni mort, elles traversent les siècles et font naître dans l’esprit des hommes l’art de leur temps. La mer enfante l’esprit puis reçoit de lui les louanges de sa fécondité dans une boucle universelle qui unit l’homme à la nature, l’humain à l’univers.
Il a deux grands yeux bleus délavés par le sel et les larmes. Et au-dessus de ses grands yeux usés d’horizon, une casquette bleue marine, d’où s’échappent quelques boucles blanches, jette son ombre jusqu’à mi-front. Il a le poil du visage hirsute et les lèvres immobiles. Le silence l’entoure. Quelques fois, le silence dans sa tête est rompu par les murmures de la mer et le craquement d’un mât. Dans son nez il respire l’iode, ce parfum qu’aucun parfum de femme ne peut remplacer…

01/05

Un tablao en Cádiz

sábado, 19 de julio de 2008

Sevilla

Un viajecillo que hicimos con Vir en Pascuas. Esta vista desde el puente de Triana es genial !