domingo, 20 de julio de 2008

Poèmes musicaux


I
Elle sonne, résonne, résonne
Elle est longue et élastique,
Elle n’a pas de forme.

Elle envahit l’espace,
Recouvre le monde,
Elle n’a pas de forme.

A peine le temps de naître
Qu’elle meurt déjà
Pour qu’en naisse une autre
Qui aussi mourra.

Elle n’a pas d’espérance de vie
Elle vit son instant et s’en va
Elle se glisse au creux d’une oreille
Et lui souffle ses merveilles.

Elle n’a pas de forme,
Mais elle a des couleurs
Invisibles, dans l’air.

Elle n’a pas de forme,
Mais je la vois à tout instant
Venir à moi et rire dans ta voix.


II
Crie ton instant !
Tu es déjà morte.
Rassemble ton présent !
Tu es déjà passée.
Ne déborde pas !
Reste où tu seras.

Ton futur n’existe pas,
Regarde ici et maintenant,
Il est déjà là !
Regarde ici et maintenant.
Tes temps sont en toi,
Tes temps sont déjà là.

On te jette dans l’espace,
Mais tu ne voles pas,
Tu planes un instant et passe
Et te fige en l’air.
Tu bouges encore sans qu’on te voie.
Tu bouges encore, mouvement immobile dans l’espace roi.


III
Si l’on t’entend, tu existes
Si l’on ne t’entend pas, tu existes
Tu es la forme par excellence.
Tu es la couleur et le silence.


IV
Où vont les notes ?
Après leurs temps, sont elles mortes ?
Où vont les notes mortes d’instruments épuisés ?
Après le spectacle, où vont les notes mortes d’instruments épuisés ?
Où vont les lignes et les portées des notes mortes d’instruments épuisés ?
Après le concert, où vont les lignes et les portées des notes mortes d’instruments épuisés ?

Elles vont s’enfouir dans l’oubli, s’enfermer dans le silence.


V
Il n’est pas d’heure, pas de moment pour écouter l’unique chose qui parle du temps et le détruit au même instant : la musique.


VI
Claire, limpide, elle se glisse entre les herbes, en suivant le courant. Puis, elle se jette de la falaise à la suite de ses sœurs, et disparaît, en l’air, suspendue, immobile dans le temps et dans l’espace. Elle se fige, glacée et scintillante, muette et bavarde. Et dans les flots emmêlés elle disparaît à tout jamais.
Tout au long de son trajet, elle s’était tue, elle s’était faite discrète : son temps n’était pas venu. Elle se faufilait, évidente, sans se faire voir. Elle était attirée par une force supérieure, elle ne décidait pas. On l’avait faite naître pour mourir. Sa vie, bien antérieure à sa présence, à sa réalité présente, avait commencé quand rien encore n’avait commencé.
Quand le génie crée, tout est déjà là.
Quand le génie crée, le temps cours déjà vers sa fin.
Quand le génie crée, tout est rassemblé, tout est uni, mais rien n’est.


VII
Mais c’est vrai !
Je vous dis que c’est vrai !
C’est réel.
Je m’obstine,
je vous l’affirme
à pleins poumons :
elle existe !

Ah ! Mais elle est déjà passée !
Comment pourrais-je vous convaincre de ce qui n’est plus ?
Comment vous convaincre de ce que vous ne pouvez plus sentir ?
A quelle réalité, que vos sens ne palpent pas, pourrais-je vous faire croire ?
Il faudrait me faire confiance.

Me ferez-vous confiance ? Je l’ai entendue : c’est vrai.
Mais ma réalité et la sienne et la votre sont déjà autres.
Me croirez-vous ?
J’ai senti en moi vibrer tout son éphémère,
toute son existence
et sa non-existence.
Je l’ai cru. Vous devez me croire.

Ah ! Hélas !
Les mots sont vains pour exprimer ce qui ne se voit pas,
ce qui ne se dit pas,
ce qui ne se touche pas.
Comment rendre vrai ce qui n’existe pas ?
Je l’ai entendue surgir mais elle est déjà partie.

Attends-moi ! Attends-moi ! Où vas-tu comme ça ?
Tu ne peux pas me laisser… J’ai cru en toi et déjà tu disparais !
Puis-je croire en moi et en mes sens, si tu me trompes chaque fois que tu nais ?
Si ce que je sens à chaque instant n’est plus, est-ce que je continue, moi, d’exister ?


VIII
Trompette acide, brise le cristal
des mots,
et crie,
crie
toujours plus haut.
Frisson de bas en haut…

Suave et rude contrebasse,
donne les mots qu’il faut.
Non !
N’en dit pas trop !
Ta présence suffit, tu es le flot…

Tu cours,
tu sautes,
tu rebondis,
et tu claques !
Fais-nous danser,
tranquille percussion d’été…

berce-moi, berce-moi
insaisissable et si belle,
clarinette
du bout des doigts.
Ça y est !
Je glisse vers toi.

Rauque,
grave
ou sautillant,
tu ris et tu dragues,
tu donnes du cœur,
du sax pour mes malheurs…

Et la note pure
sort de ton corps.
La note,
c’est ta voix
La note,
c’est toi.

27/02/05



Elle est entrée dans le monde comme ça, par hasard, par une porte d’air ; puis elle a envahi l’espace et elle s’en est allée aussitôt.
Elle a fait irruption dans mon monde comme ça, par hasard, par un passage secret ; puis elle a mis son cœur dans mon espace et elle s’en est allée.
Elle est tombée de son monde comme ça, par hasard, elle a perdu l’équilibre ; puis elle s’est relevée et a repris possession de son espace dans le mien, puis elle s’en est allée.
Elle a plané un instant avant de redescendre vers moi, pas à pas, depuis les hauteurs de la création vers les ignares bas-fonds de l’auditoire.


28/02/05

No hay comentarios: