miércoles, 10 de septiembre de 2008

Magie d'une nuit de jazz


Souvenirs de Ramatuelle...

Silence. La nuit, suspendue au-dessus de la mer, se fond avec elle et le dégradé de bleus tout à l’heure si harmonieux est à présent une vaste ombre où brillent de loin en loin les fanals des bateaux et les phares silencieux. Silence. Dans la pinède à l’entour et qui surplombe les eaux ténébreuses, les cigales se sont tues, les aiguilles ont arrêté leur doux balancement et la résine retient sa course, s’agrippe à l’écorce en devenant molle après avoir été liquide sous le soleil de midi. Dans cette nuit aux mille étoiles, perché dans les hauteurs d’un petit village provençal, un groupe de personne attend. Silence, nuit teintée de légères lumières violettes. Un piano, quelques pupitres, des chaises. Une batterie au repos et une trompette la tête en bas. Eux aussi attendent à l’intérieur de leur corps froids que coule la chaleur de la musique. L’air est tendre et la contrebasse, allongée sur le coté comme un cheval au repos, semble sourire. L’instant d’après, dans un minuscule théâtre de verdure de village, sur une scène grande comme un oeil qui regarde le ciel de son regard de colonnes romaines, aparaissent huit musiciens et une musicienne. Silence. Ils s’assoient. Silence. Il ne regarde pas le public, le public n’applaudit pas. Silence : l’ombre du théâtre se mêle aux ombres des costumes, c’est la magie de la scène qui commence...

La violoncelliste jette cinq ou six notes, jouées au doigt, syncopées, et les répètent, et encore, et encore. Elle ne regarde personne, mille regards la dévisagent. Et elle se couche sur son instrument pour aller chercher cette note, ce retard si passionant que prennent entre elles les mesures pour mieux prendre appui les unes sur les autres et s’envoler. Et puis soudain, comme plannant au-dessus d’elles, en avalanche, les deux violons et l’alto simultanément surgissent, envahissent l’espace multipliant les phrases, enchaînant les rythmes. Chacun semble parler à part soi, tous entendent l’unité. Et derrière, en fond, essentiel comme l’air que l’on respire, feutré comme la patte du chat sur la gouttière, profond et puissant comme les entrailles de la terre, le violoncelle, toujours le violoncelle. Le public est de plus en plus silencieux, et de ce silence naît la musique.
Tout à coup une note du violoncelle semble s’accentuée, puis une autre et encore une autre. A chaque révolution mélodique les notes-piliers semblent plus forte, plus puissante : et c’est que la contrebasse, en douce, comme qui n’y fait pas attention, vient soutenir le violoncelle de ses cordes épaisses comme les bras d’un père quand on est enfant. Puis, d’abord insensiblement, la batterie apparaît. Ce sont des coups légers, un peu de charleston et des bords de caisse claire, mais elle intensifie l’ensemble par sa simple présence. Enfin, la seconde suivante, au signal du saxophone qui ronronne, de la trompette qui crie et du piano qui rugit, tous ensemble, d’une seule corde, d’un seul souffle, d’un seul geste, neuf musiciens jettent aux cieux dans un grand rire chaud de gorge profonde un feu d’artifice si coloré que même les étoiles applaudissent !

De ce qui suivit on ne peut rien dire sinon qu’il vaut mieux se taire pour mieux s’en souvenir. Nous venons d’essayer de raconter les deux premières minutes de ce qui fut un extraordinaire voyage musical qui dura deux heures. Un compositeur génial, huit magnifiques interprètes et une inspiration puisée chez les plus grands. Il fallait oser réunir un quintet de jazz à un quatuor à corde, mais il fallait le talent d’un génie pour marier Manuel de Falla à Herbie Hanckok. Merci Karim Maurice.

10/09/08

2 comentarios:

guapeta dijo...

Magnifique, en te lisant je revis ce moment délicieux que nous avons passé ensemble à Ramatuelle. Je pense que Tu pourrais mettre une photo de l'orchestre. Bises

Sylvain dijo...

Je mettrai une photo quand l'ordinateur sera réparé (peut-être ce soir), parce que lui aussi il s'y met. Mais t'inquiète! la photo est prévue, peut-ètre même que ce sera une des tiennes, j'ai pas encore décidé...
Bisous...